Aménagement du territoire
Espèce : Lapin de garenne
Rédacteur : Mathieu Narce – responsable du programme grand site Durance – chargé de mission
Les populations sauvages de lapin de garenne sont communes en Europe, mais en déclin. L’espèce a été introduite en Australie en 1859 où elle est devenue invasive.
Au Moyen Âge, le lapin était souvent élevé en semi-liberté, dans de vastes espaces clos appelés des garennes.
Les lapins communs sont célèbres pour leurs capacités reproductives. En effet, les accouplements peuvent avoir lieu toute l’année, même si la plupart des mises bas ont lieu de février à août. Les femelles atteignent la maturité sexuelle dès 3,5 mois. La gestation dure 28 à 33 jours. Une lapine a en moyenne 3 à 5 portées par an, chacune comptant de 3 à 12 lapereaux ; l’intervalle minimal entre deux portées est de 30 jours.
Les lapereaux naissent nus et les oreilles et yeux fermés; ils n’ouvrent pas les yeux avant 10 ou 12 jours. La mère les allaite une fois par jour pendant trois à quatre semaines. Durant cette période, les jeunes prennent rapidement du poids : ils passent de 35 à 45 g à la naissance à 80 % du poids adulte à 3 mois. Durant ce temps, ils restent dans la rabouillère creusée par leur mère pour mettre bas.
75 % des lapereaux meurent durant la période d’allaitement. Quand ils atteignent la maturité sexuelle, les jeunes mâles sont souvent chassés par le groupe familial.
Leur longévité ne dépasse guère les deux ans. Ils sont en effet confrontés à grand nombre de prédateurs : renards, fouines, belettes, chats, chiens, rapaces, etc. Le trafic routier et la chasse sont également des causes de mortalité importantes.
À l’état sauvage, les lapins creusent des terriers et préfèrent les zones plutôt sèches et au sol meuble et profond. Le terrier est creusé de préférence sur un talus, en terrain sec ; son ouverture varie de 10 à 50 cm. Suivant la densité de la population locale, il est relié ou non aux autres terriers par des galeries. Un réseau de terriers est appelé une garenne. Le lapin s’en éloigne généralement de quelques centaines de mètres pour chercher sa nourriture.
On rencontre les lapins sauvages dans les massifs dunaires, en forêt (notamment les lisières, les clairières et les coupes, et les larges chemins où pousse de l’herbe), ainsi que dans les prairies et les bocages, dans les milieux cultivés. Ils peuvent être présents dans tous types de milieux herbeux, de préférence avec des buissons ou des haies à proximité pour s’y cacher en cas de danger.
Ils consomment fréquemment les plantes cultivées et ils sont attirés par les champs et les jardins potagers où ils peuvent commettre des ravages. Ils ont conquis les sites urbains, fauchés et tondus régulièrement, les bords de routes, les talus, et jusque sur les pelouses centrales des ronds-points où ils prospèrent fréquemment en groupes importants, car ils y sont relativement à l’abri des prédateurs. Ils sont souvent présents en grand nombre dans les vastes pelouses des échangeurs d’autoroutes, des aéroports et des zones industrielles, etc. C’est un animal de plaine et de collines qui ne monte guère au-delà de 1 000 mètres d’altitude. Le lapin est herbivore et caecotrophe, c’est-à-dire qu’il mange ses propres crottes molles dès leur sortie de l’anus ; A l’état sauvage, son régime alimentaire est variable, suivant l’environnement local.
Le lapin commun est sujet à deux maladies importantes, qui ont un impact sur les populations sauvages et posent des difficultés aux éleveurs : la myxomatose et la maladie virale hémorragique (VHD), contre lesquelles il existe un vaccin
Aménager son territoire pour le lapin de Garenne
Comment mieux choisir l’emplacement des garennes artificielles : le lapin répond à nos questions.
En 2008, l’Institut Méditerranéen du Patrimoine Cynégétique et Faunistique (IMPCF) a entrepris un programme de recherche visant à mieux connaître l’habitat favorable au lapin de garenne : Le « Programme Lapin Grand Site Durance ». Ce programme d’une durée de trois ans a été cofinancé par la Fédération Nationale des Chasseurs, la Fédération Régionale des Chasseurs de PACA ainsi que par les 17 FDC adhérentes à l’IMPCF. Le territoire d’étude se situe dans la vallée de la Durance et s’étend sur 5 départements (04, 05, 13, 83 et 84).
L’un des multiples volets de ce programme avait pour objectif d’apporter de nouvelles clés aux gestionnaires pour l’implantation de garennes artificielles lors d’opérations en faveur de l’espèce. En effet, les garennes artificielles sont incontournables lors des renforcements ou des reconstitutions de populations. Elles ont certes déjà fait leurs preuves mais peu d’études se sont penchées sur les conditions de végétation les plus favorables à leur implantation. Faut-il les implanter dans un milieu ouvert ou fermé ? À quelle distance de la transition entre ces deux types de milieux ? Quel type de végétation doit-t-on trouver à proximité ?
Pour trouver réponse à ces questions, nous avons directement « interrogé le lapin » tout en faisant appel à de la haute technologie. Pour cela, nous avons localisé 500 garennes naturelles à l’aide d’un GPS. Ensuite, nous avons réalisé une cartographie de la végétation en collaboration avec le laboratoire TETIS (CEMAGREF, IRD, AGROPARISTECH) de Montpellier. En utilisant des photographies aériennes à très haute définition (50 cm) traitées avec des méthodes complexes de photo-interprétation, nous avons obtenu une cartographie de précision métrique indiquant les types de végétation présents (herbacées, arbustes, arbres, sol nu, eau). Cette cartographie nous a permis d’étudier deux facteurs :
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d’une part la structure de la végétation présente dans un cercle de 10 m de diamètre autour des garennes,
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et d’autre part la distance entre la garenne et la limite entre milieu ouvert (herbacées) et fermé (arbustes et arbres). On appelle cette limite un écotone.
Les résultats obtenus indiquent tout d’abord que 76 % des garennes étudiées sont situés en milieu fermé alors que 24 % se trouvent en milieu ouvert. De plus, les analyses indiquent que la végétation située dans un cercle de 10 m autour des garennes est de type mixte et qu’elle est constituée d’un mélange de zones ouvertes (herbacées) et fermées (arbustives et arborées).
L’analyse de la position des garennes par rapport à l’écotone a également fourni des résultats intéressants. La distance moyenne entre les garennes et cette fameuse limite est de 5,8 m. Or si les garennes étaient disposées « au hasard », cette distance serait de 7,2 m. Cela indique que les lapins ont « choisi » l’emplacement des garennes de façon à ce qu’elles soient proches de cette limite, et donc à la fois proche du couvert et d’une zone ouverte.
Des analyses approfondies ont permis de calculer la distribution des garennes en fonction de leur distance à l’écotone. Les résultats sont présentés sur le graphique ci-dessous.
On remarque que 80 % des garennes situées dans un milieu ouvert se trouvent à moins de 5 m du couvert le plus proche. La distance moyenne est de 2,9 m. La plupart des garennes situées en milieu fermé sont quant à elles situées à moins de 10 m de la zone ouverte la plus proche pour une moyenne de 6,7 m. Ces résultats confirment les précédents et soulignent l’importance de la proximité directe des garennes avec un couvert protecteur et une zone ouverte herbacée favorable à l’alimentation.
Le schéma ci-dessous illustre ces résultats de façon concrète en matérialisant la zone favorable à l’implantation de garennes sur une photographie de terrain.
Il est donc préférable de placer les garennes dans une zone où le couvert apporté par la végétation arborée et arbustive est dense tout en restant à proximité directe d’une zone ouverte. L’implantation doit être réalisée au plus près de l’écotone, si possible dans les premiers mètres. Grâce à ces résultats issus de la recherche et de l’observation du comportement du lapin sur le terrain, nous avons pu identifier les conditions qui semblent les plus favorables pour l’implantation de garennes artificielles lors d’aménagement cynégétiques. Nous disposons donc à présent de données précises qui sont directement applicables sur le terrain par les gestionnaires des territoires afin de rendre leurs actions encore plus efficaces.
Implantation d’un réseau de garennes artificielles
L’introduction de lapin de garenne nécessite une gestion à part entière avec l’implantation d’un réseau de garennes artificielles
Lieu d’implantation :
Le lapin apprécie les milieux diversifiés où alternent bois, haies, prairies et cultures. Il s’accommode aussi des friches et des zones industrielles.
Les garennes doivent être implantées dans un habitat similaire. Il est préférable d’éviter les lieux humides, et de choisir une orientation sud ou sud-est pour un ensoleillement optimal.
Privilégier les zones de prairies afin d’éviter d’occasionner des dégâts aux cultures
Aussi, les garennes devront être à moins de 150 mètres les unes des autres pour que les lapins puissent communiquer : il faut établir un « réseau de garennes » sur l’ensemble du site d’accueil. Il est primordial de créer au moins 3 garennes avant de lâcher des lapins.
Matériaux :
Une garenne artificielle n’est pas un simple entassement de matériaux divers. Elle doit être durable pour résister aux intempéries et au temps tout en restant accueillante
Elle doit être composée de :
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blocs durs : souches d’arbres (fruitiers de préférence), grosses pierres ou traverses de voie ferrée.
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terre meuble : mélanger la terre avec du sable si nécessaire, sablon…
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branches : pour recouvrir entièrement la garenne et empêcher l’infiltration des eaux de pluie.
Une garenne contient environ 40 m3 de matériaux
Conseils :
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Réguler au préalable les prédateurs Le piégeage est le moyen le plus efficace pour réguler les prédateurs.
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Ne pas faire de décaissement pour construire une garenne : l’eau s’y accumule. Privilégier la construction sur un sol plat, bombé ou même un talus.
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N’utilisez pas de palettes pour la construction : elles pourrissent trop vite et rendent la garenne inhospitalière. Par contre, elles peuvent être utilisées comme refuges si le couvert n’est pas suffisant. Il s’agira de les éparpiller et de les recouvrir de branches et de terre (petites garennes satellites).
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Ne jamais utiliser de bâches plastiques : celles-ci retiennent l’humidité et empêchent son évaporation (condensation), ce qui favorise les maladies. Recouvrir la garenne de branches pour faire ruisseler les eaux de pluie.
Itinéraire technique
1-Obtenir l’accord écrit des propriétaires.
2- Délimiter les emplacements des futures garennes.
3- Débroussailler les emplacements (mettre de côté les branches pour recouvrir par la suite la garenne).
4- Positionner une première couche de souches emboîtées les unes dans les autres sur 5m de diamètre. Si vous utilisez des traverses, les entrecroiser.
Une garenne aura 5 m de diamètre, 2m50 de haut et la végétation devra être rase au mois 2m autour.
5- Recouvrir d’une première épaisseur de sable et de terre mélangée (la terre doit être meuble). Essayer de combler le maximum de trous. Il n’est pas nécessaire de mettre des tuyaux, le lapin creusera lui-même ses galeries.
6- Positionner une deuxième couche de souches emboîtées (traverses ou divers blocs durs)
7- Recouvrir de sable et de terre.
8- Recouvrir l’ensemble de branches en les plaçant verticalement pour favoriser le ruissellement de l’eau
Lâchers
Préparations :
La mise en place d’une clôture fixe ou provisoire est indispensable pour une bonne acclimatation et aidera à « fixer » les lapins au territoire.
Clôture provisoire : Entourer les garennes avec du grillage :
– hauteur minimale : 1m
– mailles maximales : 50mm
– enterré ou rabattu au sol sur 20cm.
Clôture permanente :
Vous pouvez lâcher entre 8 et 12 lapins de garenne de race pure par garenne artificielle construite (sex-ratio de 1 à 1,2 femelles pour 1 mâle). Il est souhaitable de les vacciner (contre la myxomatose et la VHD) et de les baguer.
Attention les lâchers sont interdits si le lapin est classé nuisible dans le département.
Laisser le grillage autour pendant 8 jours pour que les lapins s’implantent. Ensuite le retirer complètement : les prédateurs peuvent l’utiliser pour piéger leurs proies.
Entretien du site
Les garennes demanderont un minimum d’entretien :
– garder les abords en herbe rase (au moins 2m autour des garennes),
– les recouvrir de branches tous les ans au printemps,
– recharger en terre meuble (avec du sable) tous les 3 ou 4 ans si cela se révèle nécessaire.
Les zones dégagées (herbe rase) sont indispensables pour le lapin : il peut ainsi se nourrir en toute sécurité, prendre le soleil et tisser des liens sociaux. Il est fortement recommandé d’entretenir certaines parties de territoire ouvertes : faucher les chemins reliant les garennes les unes des autres est excellent. Le couvert doit aussi être entretenu : une vieille haie ne vaut rien car son pied est dégarni et le lapin n’y est pas en sécurité. Il convient de recéper en partie les couverts vieillissants.
