Aménagement du territoire

Espèce : Perdrix Rouge

Rédacteur : Dr Jean-Claude Ricci. Retraité bénévole. Ancien directeur scientifique de l’IMPCF (1990-2024). Membre du Comité d’experts de l’UNCPG.

Espèce d’origine méditerranéenne, la Perdrix rouge a une première qualité : elle possède une large amplitude d’habitats et j’en veux pour preuve sa présence en Europe, des bocages du sud de l’Angleterre (introduite au XIXème siècle) jusqu’aux matorrals du sud de l’Espagne, c’est dire la diversité des habitats qu’elle peut occuper.

Sa deuxième qualité est d’être une espèce des milieux ouverts mais diversifiés : elle évite les monocultures tant de vignes (Bordelais) que de céréales (Beauce) et adore les mosaïques de milieux herbacés et/ou arbustifs cultivés ou naturels (landes, garrigues, polycultures …).

Sa troisième qualité lui permet de remonter vers le nord suite au réchauffement climatique tout en conservant un fort potentiel théorique de reproduction puisque chez cette espèce on observe fréquemment une double nidification, le mâle et la femelle incubent chacun un nid de 14 œufs en moyenne à condition que ces nids ne soient pas détruits pendant la ponte (prédation, travaux agricoles, intempéries…).

Les recommandations et conseils d’aménagements ci-dessous seront donc classés par grand type de Région agricole et/ou Naturelle. Ils résultent d’expériences et d’analyses scientifiques réalisées pendant plusieurs années notamment par l’IMPCF et les Services Techniques des FDC adhérentes et ayant bénéficié d’un financement de la FNC.

aménagement rouge

GARRIGUES ET LANDES de la région Méditerranéenne (soit 400 000 hectares en France)

Objectifs
  • Maintien des milieux ouverts et diversité de la faune.

  • Diminution de la sensibilité des milieux à la prédation (mosaïque de milieux ouverts et de milieux fermés : zones de refuge Vs. Zones de recherche de nourriture).

  • Restauration et entretien des milieux utiles à la nidification des oiseaux (Passereaux et Perdrix rouge), au Lapin de garenne, au Lièvre et à la petite faune en général.

  • Contribution à la limitation de l’extension des incendies en complémentarité des actions de DFCI. (Contribution indirecte à la sécurité publique).

Mise en pratique
  • Le recouvrement (arbustif) sera compris entre 25 et 35% maximum (Optimum à 30%).

  • La plupart des « unités arbustives » conservées auront un diamètre moyen de 5 à 7m, une hauteur de 0.5 à 1m maximum et une densité de végétation de 60 à 90% : conserver ou créer 70 à 140 unités de ce type à l’hectare. En moyenne l’application sur le terrain de ces recommandations correspond à la conservation de 25 à 35% au maximum de recouvrement de végétation au sol soit un optimum à 30%.

  • Dans tous les cas ces « unités » arbustives seront espacées de 5 à 10m. Entre celles-ci, la végétation sera limitée aux espèces herbacées entretenues soit par broyage soit par pâturage (à privilégier).

  • Les espèces d’arbustes conservées en priorité seront celles produisant des baies (Filaires, Genévriers, Lentisques…) soit des arbustes évoluant rapidement vers les caractéristiques idéales souhaitées pour la nidification (Chênes kermès, Ciste à feuilles de sauge, Ciste crépu, Ronce, Aubépine…).

Quelques exemples de paysages aménagés :

  • Cultures pour la Faune (anciennement appelées cultures à gibier) à répartir dans les zones naturelles aménagées précédentes.

En effet l’appellation actuelle « cultures pour la faune » permet de mieux démontrer que les actions d’aménagements réalisées par les chasseurs avec leurs fonds propres sont utiles non seulement au gibier mais à la faune sauvage en général et à la Biodiversité (voir pour cela le diplôme EPHE de D.Pibarot (1998- Université Montpellier-IMPCF) et la thèse de N.Froustey (2024. Université Toulouse-INRAE Toulouse-IMPCF)).

Ces parcelles à remettre en culture sont souvent des parcelles jadis cultivées par nos anciens et leur abandon résulte de l’exode rural (déprise agricole) intervenu dès la fin du 19ème siècle.

Souvent de taille réduite (3000 à 5000 m²), ce qui importe est leur répartition en mosaïque avec environ 1 à 2 parcelles pour 20 hectares afin de fixer un couple reproducteur au printemps soit 5 à 10 pour 100ha et 50 à 100 sur 1000ha.

Ces cultures doivent plutôt être mises en place en automne (céréales) complétées par quelques parcelles de légumineuses (trèfle, luzerne, sainfoin) au printemps mais aussi de sarrazin (le blé noir de nos ancêtres) très apprécié par l’espèce, riche en protéines et utile aux pollinisateurs.

Ces parcelles sans aucun pesticide et quelquefois recevant de l’engrais mais organique sont de véritables refuges à Biodiversité et un apport alimentaire riche en protéines pour les adultes avant la reproduction et en insectes pour les poussins en été.

Un conseil d’agronome : la conservation de la qualité du sol de ces parcelles repose sur ce qu’on appelle en agronomie la rotation culturale : prenons une rotation de 3 ans : 2 années de céréales et une année de légumineuses que l’on va laisser 3 ans et retourner ensuite pour y semer des céréales qui vont bénéficier de la restitution d’azote par les nodules racinaires des légumineuses. De plus les graminées ont un système racinaire diffus qui utilise la partie superficielle du sol alors que les légumineuses ont des racines pivotantes qui utilisent le sol en profondeur. Cette méthode permet durablement de conserver la qualité des sols et donc d’accroitre la production pour la faune.

ZONES CULTIVEES de la REGION MEDITERRANEENNE ET AUTRES REGIONS DE L’AIRE ACTUELLE DE REPARTITION DE L’ESPECE

Cultures pour la faune et assolement

Dans tous les cas, quelle que soit la zone bioclimatique, une zone cultivée sera utile à la Perdrix rouge si elle est diversifiée : polyculture et non monoculture plutôt réservée à la Perdrix grise.

Certes les gestionnaires de territoires ne sont pas maîtres de l’assolement agricole mais peuvent en utiliser certaines composantes comme les friches désormais nombreuses dans les zones viticoles du fait des arrachages subventionnés. Dans ce cas les remettre en culture est un plus pour le petit gibier et la Perdrix rouge en particulier. Ainsi si vous disposez de plusieurs parcelles il faut appliquer le principe de rotation culturale pour conserver la qualité des sols.

Comme pour les espaces naturels (garrigues, landes), utilisez céréales, légumineuses et sarrazin dans votre rotation culturale sur votre territoire. Des mélanges sont aussi disponibles (Jachères fleuries, mélanges petit gibier). La FRC Occitanie a proposé et testé plusieurs mélanges destinés au petit gibier et au maintien de la Biodiversité (https://www.chasse-nature-occitanie.fr/).

Eléments fixes arbustifs (Linéaires de moins de 7m de large, Bosquets, Bordures arbustives ou herbacées…)

ATTENTION AU PIEGE A PREDATION

Ces éléments apportent de la diversité et sont favorables à la capacité d’accueil des milieux cultivés. Ils sont préférentiellement choisis pour la nidification par la Perdrix rouge puisque nos travaux (Ricci et al) ont montré qu’ils étaient en moyenne 10 fois plus utilisés que disponibles sur le terrain. Mais les mêmes travaux ont montré que le taux de prédation sur les nids est de 75% en moyenne dans ces milieux et de seulement 55% dans des milieux non linéaires (Principaux prédateurs des nids : Renard-Belette-Hérisson-Blaireau-Pie). On considère ces milieux comme linéaires s’ils mesurent moins de 7m de large et plus de 15m de long. On retrouve les mêmes tendances de résultats chez la Perdrix grise en Angleterre (Travaux de M.R.W.Rands) et le Faisan commun aux USA (Travaux de Haensly et al).

Ces éléments permanents certes améliorent la capacité d’accueil des milieux au printemps mais augmentent leur sensibilité à la prédation pendant la nidification.

Haie Vraie non linéaire

Linéaires largeur inférieure à 7 m – longueur supérieure à 15 m

Piège à prédation des nids

Comment faire pour diminuer leur sensibilité à la prédation ? :

  • Ces éléments sont préférentiellement fréquentés la nuit par les prédateurs qui suivent les bordures. Si on implante des haies et que l’on dispose de suffisamment de surface disponible, il faut dépasser la largeur de 7m. Si tel n’est pas le cas alors il faut réaliser des ouvertures de 4 à 5m tous les 10m pour supprimer l’aspect linéaire et augmenter les interfaces entre les milieux différents qui favorisent la Biodiversité.

  • Favoriser et développer les éléments fixes non linéaires : angles de parcelles non cultivées, bosquets ….

  • Par le piégeage, diminuer le nombre d’ESOD mais attention plusieurs espèces de prédateurs des nids sont protégées (Hérisson) ou non régulables partout (Belette, Fouine) selon les départements.

  • Désormais hélas le Sanglier est un destructeur potentiel de pontes au sol (20 à 25% des nids selon les résultats IMPCF de 2022 et 2023) et ce quelle que soit la forme géométrique des milieux de nidification.

ABREUVOIRS ET AGRAINOIRS

Dans les deux cas et quel que soit le type de milieu (garrigues, landes, zones cultivées) ces éléments fixes doivent être installés avec prudence et surveillance car les prédateurs ont vite fait de repérer ces points qui attirent la faune. En règle générale il est préférable de les installer plutôt en milieu ouvert afin que les perdrix puissent détecter et anticiper les attaques éventuelles de prédateurs.

Abreuvoirs

En cette période climatique de réchauffement, les points d’eau sont essentiels dès le printemps et surtout en été. Toute la faune sauvage en profite et pas seulement les perdrix. Deux recommandations : veillez à réaliser une faible profondeur du point d’eau pour éviter des noyades de poussins et pour maintenir une qualité de l’eau suffisante ajoutez du vinaigre de cidre (2 ml /litre dans le réservoir) pour éviter la prolifération des algues.

Sur un territoire bien aménagé on peut installer en moyenne un point d’eau pour 20 hectares soit une cinquantaine sur 1000 ha.

Agrainoirs

Depuis la présence et l’abondance du sanglier, prévoyez comme sur les deux exemples ci-dessous une protection permettant aux perdrix d’y avoir accès et d’empêcher la venue des sangliers. Certes les marcassins peuvent dans certains cas y avoir accès. Ces éléments fixes sont à entretenir surtout en hiver en cas de présence de neige ou de période longue à température négative. Ils peuvent l’être aussi pendant la période de ponte et d’incubation (avril-mai) pour contribuer à une meilleure reproduction pour compenser d’éventuelles carences en nature.

 

En conclusion, certes les meilleures Perdrix n’ont besoin ni d’abreuvoirs ni d’ « agrainoirs » mais sous réserve qu’il y ait encore de l’eau dans les ruisseaux et des graines dans les champs !!!!!