Aménagement du territoire
Espèce : Caille des blés
Rédacteur : Jean-Luc Bayrou – Président ANCC, Haute-Garonne
La caille des blés est un oiseau de l’ordre des galliformes, et de la famille des phasianidés : C’est le plus petit représentant de cette famille, et le seul qui soit migrateur. Elle est l’hôte privilégié des champs de céréales, des friches.
L’aire de répartition de l’espèce est vaste puisqu’on la retrouve partout en Europe, a l’exception de la Scandinavie, et s’étend même vers l’Asie, jusqu’en Inde.
Les oiseaux qui vivent sous nos latitudes hivernent majoritairement en Afrique du Nord (oiseaux dotés d’un gène court migrant). Certains d’entre eux, dotés du gène long migrant, migrent toutefois jusqu’en Afrique sub-saharienne. On note cependant qu’en raison de la désertification de ces zones, le gène long migrant à tendance à disparaître.
Les deux principaux points de passage en Europe sont le détroit de Gibraltar, et le Cap Bon en Tunisie.
L’espèce commence à arriver en France vers mi-mars, début avril. La première vague de migration est généralement composée de 80 % de mâles.
Une seconde vague, composée majoritairement de femelles adultes arrive ensuite, suivie enfin par une dernière vague (courant juin), essentiellement composée de jeunes nés au Maghreb.
Les oiseaux reproduisent dès leur arrivée en France avec deux principaux pics d’éclosion au mois de mai, et à la mi-juillet.
Nid de caille des blés
Les femelles élèvent seules leurs petits, et la migration retour débute vers la mi-août, jusque vers la mi-octobre. Elle s’effectue de nuit par petits groupe d’une quarantaine d’individus. Les oiseaux volent à basse altitude (entre 400 et 700 mètres) a une vitesse de 40 a 70 km/h.
Répartition de l’espèce en France
La chasse de la caille est populaire dans le sud-ouest de la France, et certains départements du sud-est et de la façade atlantique, comme les Charentes maritimes par exemple. Mais, ce n’est pas forcément là que se situent les plus fortes densités d’oiseaux. Elles se situent dans l’est de la France : les départements de la Marne, les Ardennes, la Meuse et la Haute-Marne.
Carte d’abondance de l’espèce au printemps 2014 :
Les raisons du déclin de l’espèce
Les populations de caille des blés diminuent en France depuis les années 60, mais ce déclin semble s’être accéléré depuis le début des années 2000.
Bien que l’espèce soit connue pour ses grandes variations annuelles de population, on note une régression des effectifs depuis plusieurs decennies. Les populations de caille des blés ont diminué de 49,89 % entre 1996 et 2017, soit un déclin moyen de 3,24 % par an.
Les causes principales de cette baisse sont le remembrement des parcelles agricoles, responsable de la disparition des fossés, la plupart des nids de cailles étant situés à proximité immédiate de ces derniers.
On peut citer également l’utilisation massive des insecticides, et des hélicides. Les insectes jouent en effet un rôle majeur pour les femelles au moment de la ponte, puisque ces dernières deviennent exclusivement insectivores durant quelques semaines. Les insectes ont un rôle tout aussi important pour la croissance des cailleteaux, puisqu’ils constituent jusqu’à 92 % de leur régime alimentaire.
L’utilisation massive d’herbicides, comme le glyphosate, à conduit à la quasi-disparition des plantes messicoles sur les parcelles agricoles, comme la sétaire glauque, le chénopode blanc, la carotte sauvage, le coquelicot, etc. Ces plantes assurent à la fois le gîte, car elles forment un couvert végétal qui permet aux oiseaux de se dissimuler, mais aussi le couvert, puisque les cailles consomment en abondance les graines de ces plantes, également très attractives pour les insectes dont les cailles se nourrissent.
La Sétaire glauque (setaria glauca) communément surnommée dans le sud ouest Sarretch, Sarrai, ou herbe à cailles
Jabot de caille rempli de graines d’adventices (chénopode blanc) :
Ces dernières décennies, les agriculteurs ont abandonné les variétés de blés traditionnelles, au profit de variétés plus courtes en taille, et également plus précoces. La moisson du blé, qui avait lieu traditionnellement fin juillet / début août à lieu désormais fin juin/début juillet, en plein milieu de l’un des principaux pics de reproduction. Cela entraîne une mécanisation précoce à laquelle la caille est particulièrement sensible, car elle détruit les nids, lors de l’un des moments les plus critiques de l’année.
Les variétés de blés étant désormais très courtes, les chaumes ont désormais tendance à être coupés a ras pour récupérer le maximum de paille. Or, la caille a besoin d’une hauteur de chaume d’au moins 20 cm pour pouvoir se dissimuler.
– La chasse en elle-même n’est pas responsable de la diminution de l’espèce, de l’avis même de nombreux scientifiques spécialisés. Néanmoins, malgré les interdictions, chaque année des centaines de milliers de cailles japonaises ou d’hybrides sont lâchées dans la nature par des chasseurs pour le dressage des chiens d’arrêt. Cela occasionne une pollution génétique particulièrement préjudiciable à l’espèce.
Quelles solutions ?
La caille des blés est une espèce naturellement prolifique. Véritables machines à reproduire, chaque femelle peut mener à bien entre 3 et 6 couvées par an.
Pour des raisons qui ne seront probablement jamais totalement élucidées, on ne trouve des oiseaux que dans certains champs, alors que d’autres, pourtant en apparence strictement équivalents, ou distants de quelques centaines de mètres restent déserts.
Il faut cibler les éventuels aménagements sur les champs à haut potentiel, c’est-à-dire soit sur les parcelles ou l’espèce est régulièrement présente, soit sur celles ou sa présence était autrefois constatée.
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La présence d’eau en bordure des parcelles (fossés contenant de l’eau, ou champs irrigués) est un facteur déterminant, en raison des importants besoins en eau des femelles au moment de la ponte, Ces dernières effectuent de nombreux allers retour pour boire, ce qui explique que 80 % des nids se situent dans la zone des 20 mètres à proximité d’un fossé.
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La préservation de bandes enherbées ou de bandes de prairies non fauchées, en particulier sur les bordures de champ situées à côté de fossés, peut servir de refuges aux oiseaux, l’espèce étant très sensible à la mécanisation.
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L’utilisation d’herbicides et d’insecticides doit être réduite au maximum. Afin de parvenir à contrôler les quantités de plantes adventices, certains agriculteurs ont expérimenté avec succès la technique du faux semis au tout début du printemps, en laissant d’abord germer les graines des adventices, puis en utilisant de façon ciblée un désherbant sur les pousses. Cela permet de préserver les rendements de céréales, tout en n’impactant pas les populations d’oiseaux, peu ou pas présentes à cette période la.
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La caille des blés affectionne les friches, les champs de blé, orge, avoine, seigle, sorgho, sarrasin, millet, moha, etc. L’utilisation de variétés de céréales tardives est préférable, car elles permettent de retarder le moment de la récolte après le pic principal de reproduction de l’espèce situé mi-juillet. Ces variétés, généralement plus hautes dans le cas du blé, permettent aux agriculteurs de disposer après la moisson de plus de paille, et favorisent des coupes plus hautes, voire la présence d’andins, très appréciés de ces oiseaux.
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La hauteur du chaume doit être d’un minimum de 20 cm (idéalement 25 à 30 cm), afin que les nichées et les jeunes oiseaux puissent se dissimuler à la vue des prédateurs.
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Il convient de retarder le plus possible le déchaumage de la parcelle, idéalement fin septembre voire début octobre. Certaines fédérations départementales de chasse versent dans ce but des primes aux agriculteurs. Le seul fait de conserver un chaume, même si ce dernier dispose d’une hauteur suffisante, s’avère toutefois inutile s’il est totalement dépourvu de couvert végétal (plantes messicoles ou couverts d’interculture).
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L’implantation de couverts d’interculture après la récolte est une solution optimale, car elle permet d’assurer des zones de protection et d’alimentation (graines et insectes), tout en préservant les rendements. Le semis direct ou semis à la volée, sans destruction préalable du chaume, est idéal, car il associe les bénéfices de la conservation du chaume et du couvert végétal qui va progressivement le recouvrir. Son implantation, au moyen d’un semoir à engrais, nécessite l’utilisation de graines ayant une germination facile en surface et produisant un couvert végétal abondant: sarrasin, phacélie, trèfle violet, trèfle blanc, etc. Le semis peut être réalisé soit quelques semaines avant la moisson, au mois de juin, ou dans les 48H00 qui suivent cette dernière en tirant parti de l’humidité résiduelle. Il est recommandé néanmoins de conserver environ 20% de la semence afin de compléter les manques éventuels.
Ce couvert pourra être broyé en fin de cycle, vers fin septembre / début octobre, afin d’obtenir de l’engrais vert, et éviter un développement trop important des plantes adventices. Ces dernières concurrencent en effet les céréales lors de leur croissance, et il s’agit souvent de la principale raison qui pousse les agriculteurs à déchaumer rapidement une parcelle.
Exemple de couvert d’interculture (mélange de sarrasin et de moutarde tardive) :
